Master Data Management (MDM) : transformer les réticences en avantages compétitifs

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La mise en place d’un Master Data Management (MDM) est essentielle pour maîtriser la donnée au sein des entreprises, devenue un facteur clé de différenciation.

Mais elle pose des défis majeurs. Quels sont les obstacles fréquemment rencontrés et les solutions concrètes pour garantir le succès d’une telle initiative stratégique ?

Murielle Nguyen Thuy, Manager Finance & Performance Management

Dans un monde où la donnée est désormais comparée au nouvel or noir, la maîtrise de celle-ci n’est plus une option mais une nécessité stratégique pour les entreprises.

Plusieurs facteurs mettent la data au cœur des préoccupations : l’explosion du volume de données, la diversité des sources d’informations (RH, opérations, finance…), les évolutions règlementaires comme la RGPD, et constituent autant de défis majeurs pour les organisations.

La centralisation de la gestion de la donnée via un Master Data Management (MDM) s’impose comme une solution clé pour garantir l’intégrité, la qualité et l’accessibilité des informations critiques. Il s’agit ainsi d’optimiser les processus d’acquisition, d’enrichissement et de distribution de la donnée, afin d’apporter fiabilisation des données pour des prises de décisions stratégiques et garantir la conformité réglementaire, et amélioration de l’expérience client.

Nous le constatons chez nos clients : le MDM devient un incontournable dans des projets de transformation digitale, comme lors de la refonte d’un ERP comptable. Au lieu d’intégrer directement des données (par exemple les Business Partners) dans l’outil maître, il peut être plus judicieux selon le nombre d’applications connectées et selon la qualité de leurs données, de centraliser et rationaliser les informations pour une transmission plus efficace dans le nouvel ERP. Dans le secteur de l’Assurance, c’est dans la phase de déploiement, pour faciliter l’alignement des systèmes comptables (centres de profits, centres de coûts, BU…) entre différents pays, qu’une entreprise a restructuré son organisation et mis en place un MDM. De même, dans des projets de mise en conformité avec la réglementation sur la facturation électronique, la maîtrise des référentiels clients devient cruciale pour éviter les rejets de factures.

Les évolutions technologiques raffermissent le rôle clé du MDM. Les solutions de gestion de la qualité de la donnée (data quality management) dotées de fonctionnalités d’Intelligence Artificielle et d’Apprentissage Automatique (Machine Learning) permettant à la machine d’« apprendre » des situations passées, améliorent le contrôle et la qualité de la donnée. La Blockchain renforce la sécurité des données tandis que le edge computing, en traitant les données directement à leur source, offre une visibilité en temps réel.

Malgré ces enjeux et bénéfices, on note néanmoins une certaine appréhension des organisations à se lancer. Illustration parfaite d’un cas client : un projet de MDM, pourtant validé et lancé, a été abandonné à la suite de l’arrivée d’un nouveau directeur de la Transformation Digitale échaudé par des expériences passées.

Une question se pose : pourquoi autant de réticence de la part des organisations dans la mise en place d’un MDM ?

L’un des principaux obstacles à l’adoption du MDM est la difficulté de calculer un retour sur investissement. Que ce soit en termes d’investissement initial ou de coûts récurrents, le coût de mise en place peut être conséquent. Dans le même temps, il peut-être complexe de quantifier les bénéfices d’une meilleure qualité et fluidité de l’information. Contrairement à d’autres projets plus visibles, offrant un ROI à court terme, les avantages d’un MDM se manifestent généralement sur le long terme, ce qui pousse certaines organisations à privilégier d’autres initiatives.

Et pourtant, cette vision à court-terme peut se révéler coûteuse.

Dans le cas d’une entreprise de la distribution par exemple, l’intégration complexe des données d’une centrale d’achat européenne et l’incapacité d’aligner les référentiels entre les pays et la centrale (17% d’écarts entre les référentiels à une date donnée) a eu des impacts négatifs de plusieurs ordres :

· Opérationnellement : on a relevé une dégradation des processus, avec notamment des traitements manuels de rejets de règlements fournisseurs en raison de prix d’achat non identiques entre référentiels. L’intégration manuelle des avoirs dans les systèmes a allongé les délais, et les descentes d’information longues ont été vécues comme contraignantes par l’ensemble des acteurs.

· Financièrement : la désynchronisation du référentiel commandable au niveau de l’approvisionnement a entraîné une perte de CA. Des rejets de commandes fournisseurs, des retards de livraisons et une incapacité à pourvoir les articles promotionnels ont été observés.

· Sur l’image de marque : la complexité et les erreurs répétées ont terni la réputation de l’entreprise auprès de ses fournisseurs, impactant les relations commerciales sur le long terme.

Et effectivement, une donnée de mauvaise qualité a un coût, estimé en 2021 par Gartner, à 12.9 millions de dollars chaque année au niveau mondial pour l’ensemble des entreprises (1). Une autre étude en 2024 a montré que 82% des organisations passaient une journée voire plus par semaine à corriger des problèmes de qualité de donnée (2).

Comment convaincre donc de la valeur d’un MDM ? La clé réside dans une approche méthodique :

· Challenger le contenu du Business Case : qualifier et quantifier les bénéfices attendus permettra d’obtenir l’adhésion des décideurs. Cela inclut par exemple le temps économisé grâce à la réduction des corrections ou des redondances par les équipes opérationnelles. On peut également mesurer le gain financier des erreurs coûteuses. Dans le cas d’un rachat d’entreprise, comment l’intégration des données permet de réduire le coût d’acquisition de l’entreprise. Enfin, les bénéfices peuvent se mesurer par la rétention accrue des effectifs concentrés sur des tâches à plus forte valeur ajoutée que celle de corrections d’anomalie.

On note d’autre part que le gain financier peut également être apprécié de façon progressive. Avec des données clients unifiées et de meilleure qualité, il sera par exemple plus aisé de fournir des expériences client « hyper personnalisées », de produire des campagnes optimisées, avec plus d’impacts, capables de générer davantage de leads et de revenu.

· Définir et communiquer sur des indicateurs de performance (KPI) pertinents : au-delà des indicateurs internes (nombre d’incohérences, taux de complétude des données, temps moyen des corrections des données…), l’objectif est de valoriser sa contribution dans une stratégie d’entreprise. Par exemple, en fournissant des données sur la réduction du « Time to market » ou l’amélioration de la satisfaction client « NPS » permettra de démontrer concrètement l’impact positif du MDM.

Ainsi, si les retours sur investissement à court terme peuvent être difficiles à mesurer, le MDM pose les bases d’une gestion des données optimisée qui, sur le long terme, minimise les coûts d’opérations et favorise l’innovation en continu.

En plus de la difficulté de considérer les projets de MDM comme des projets à valeur ajoutée, un autre obstacle à l’adoption du MDM réside dans l’idée que le MDM n’est qu’un outil de plus à intégrer. Pire, il s’agirait de créer une couche supplémentaire dans l’intégration des données, complexifiant ainsi l’exploitation de ces dernières.

Pourtant, parce qu’il affecte et met en relation des préoccupations d’équipes diverses, le MDM est avant tout un chef d’orchestre des processus transversaux. Dans l’exemple mentionné précédemment, un dispositif exceptionnel a été mis en place pour corriger les anomalies urgentes et bloquantes, et analyser les causes fondamentales des disfonctionnements observés. La conclusion du plan d’action pour améliorer la situation durablement a bien été une clarification des processus. Sous la guidance du MDM, l’ensemble des acteurs (négociateurs, responsables d’approvisionnement, CDG, fournisseurs) ont mis à plat leurs contraintes et besoins. Il en a résulté une meilleure compréhension des adhérences, et a débouché sur la formalisation de fiches process et de délais de mise à disposition.

Le MDM possède cette dimension transversale permettant de fluidifier et d’optimiser les processus transversaux des entreprises. D’une part, il possède une vision centralisée des besoins métier. D’autre part, il peut définir les impacts sur les données d’un changement de processus. Enfin, il a une vocation d’uniformisation et de standardisation.

Signe que le positionnement du MDM peut être perçu différemment selon les entreprises et selon leur maturité : la direction même de rattachement du service varie selon les organisations, entre l’IT, le métier, une direction de transformation digitale ou la direction générale. Le placer au niveau de l’IT peut avoir l’inconvénient d’affecter le MDM dans un service dont il est le client. Le placer au niveau d’un métier a celui de le réduire aux besoins uniquement de ce métier précis et de lui faire perdre sa vocation stratégique de consolidation de l’ensemble des données. Précisons néanmoins que d’un point de vue organisationnel, il peut être pertinent, selon le contexte, de s’appuyer sur un socle centralisé et de permettre à des métiers ou domaines de gérer des spécificités propres à leur activité.

Comment permettre au MDM cette capacité à optimiser les processus opérationnels de bout en bout ? Une démarche rigoureuse est nécessaire :

  • Définir et documenter les processus de bout-en-bout affectant les données.
  • Mettre en place un dispositif de gouvernance de la donnée pour garantir un cadre de gestion de la donnée en créant des règles et des normes. La mise en place d’un comité dédié permettrait de maintenir la qualité et la conformité à long-terme.
  • Mettre en place une démarche d’amélioration continue dans une optique d’optimisation des processus.
  • Déterminer la matrice de responsabilité (RACI) dans la gestion des données selon leurs typologies.

Le suivi de cette démarche est essentiel pour aligner l’ensemble des parties prenantes et appliquer des règles et principes sur des processus souvent transverses à plusieurs directions. Le succès d’un MDM repose sur une approche collaborative, impliquant à la fois les métiers, l’IT, et la direction, chacun jouant un rôle crucial dans la définition, la gouvernance, et l’optimisation des processus de gestion des données.

Conclusion :

Le Master Data Management (MDM) est bien plus qu’un simple outil technique : il représente une levier stratégique incontournable pour toute entreprise désireuse d’optimiser ses processus, de valoriser ses données, de créer de nouveaux usages, et d’améliorer sa compétitivité à long terme. En surmontant les réticences liées aux coûts initiaux et en démontrant les gains à travers des indicateurs clairs, les entreprises peuvent pleinement exploiter le potentiel de la donnée.

Dans un contexte de transformation digitale accélérée, le MDM devient un atout essentiel pour garantir la qualité, la fiabilité et la valeur des informations, au service de la prise de décision, de la réduction de coûts, de la création de valeur et de la sécurisation des opérations.

Murielle Nguyen Thuy

Manager Finance & Performance Management

Axys, cabinet de conseil en transformation durable, conseil expert en Finance et en Data management, vous accompagne sur la mise en place de data gouvernance et d’évolutions de vos référentiels, y compris dans le cadre de la mise en place de la réforme de la facturation électronique.

Sources :

(1) https://www.gartner.com/smarterwithgartner/how-to-improve-your-data-quality

(2) https://www.mckinsey.com/capabilities/mckinsey-digital/our-insights/master-data-management-the-key-to-getting-more-from-your-data