« La technologie n’est rien sans humain » Cédric Vasseur

Cédric Vasseur

Conférencier et formateur, spécialisé dans la robotique et l’intelligence artificielle, Cédric Vasseur est passionné par les nouvelles technologies depuis son plus jeune âge.

Aujourd’hui, il anime des conférences partout en Europe sur ces deux sujets de prédilection. L’un de ses projets les plus marquants est BeepAI, une intelligence artificielle qui apprend à programmer par elle-même. Il a également participé à la consultation publique de Cédric Villani sur la stratégie à appliquer pour développer l’IA en France.

Rencontre avec Cédric Vasseur qui partage avec nous ce qu’il a pu observer lors de ses missions auprès des DRH notamment lors de formation à l’IA.

La technologie n’est rien sans humain

Le cœur de l’IA est la data. Dès qu’une entreprise, un service possède de la data, il est pertinent de l’exploiter. C’est le cas notamment pour les services RH. De nombreux outils leurs sont très utiles. Petit tour d’horizon de quelques solutions d’IA

Rédiger une annonce de recrutement adaptée

Pour préparer un recrutement, les DRH peuvent faire appel à l’IA pour rédiger l’annonce la plus pertinente afin d’attirer le meilleur profil. L’outil va trouver les bons mots, les bonnes formules correspondants au candidat qu’il veut embaucher. Il est difficile de connaître l’ensemble des métiers et pour chacun d’entre eux, il existe des compétences et des outils spécifiques qui, de surcroît, évoluent rapidement. En sélectionnant les bons mots clés à insérer dans l’annonce, le DRH est sûr de rédiger une annonce pertinente.

Améliorer le sourcing

L’IA se révèle très utile pour améliorer le sourcing. Quand un DRH reçoit de nombreux CV, les examiner peut s’avérer particulièrement chronophage. En utilisant des outils statistiques, d’analyse de champs lexicaux, il obtiendra un premier tri avec les CV qui comportent les mots clés inhérents aux formations, expériences recherchées. Par exemple, si le recrutement porte sur un Directeur marketing digital maîtrisant le SEO, le content marketing, un CRM, les solutions de social listening… les outils feront remonter la présence de ces mots clés dans un CV et le nombre de fois où ils sont mentionnés. Il sera simple d’écarter les CV desquels ils sont absents. La dernière génération d’outils donne des résultats très affinés. « On peut citer par exemple les modèles « BERT » utilisé par Google et Facebook et « GPT-3 », créé par la startup d’Elon Musk OpenAI et racheté par Microsoft (qui possède également LinkedIn aujourd’hui, dont ils font certainement usage ou le feront très bientôt pour le recrutement : la recette interne de LinkedIn est encore secrète) et enfin aux derniers moteurs de chatbot comme DialogFlow dont la compréhension du langage naturel est très réussie.

Les 2 premiers, BERT et GPT-3 sont capables de résumer, et comprendre très finalement un texte, le comparer, traduire, le compléter comme jamais on aurait pu l’imaginer avant. (Il est difficile de distinguer un article créé par un humain et une de ces IA). » précise Cédric

Logiciel de fouille des profils sur les réseaux sociaux

Outre les CV et les candidatures spontanées, les DRH et cabinets de recrutement constituent leur vivier de talents en faisant notamment des recherches sur les réseaux sociaux. Certaines solutions, grâce l’IA, permettent non seulement d’analyser les profils sur ces derniers mais également les pages web quand un lien vers ces dernières est inclus. Le logiciel va ainsi examiner ainsi l’ensemble des éléments qu’une personne a publié en ligne faisant gagner un temps considérable en recherche et analyse.

Conversion de la voix en texte (speech to text)

Cet outil facile à déployer, est très répandu dans les grands groupes. Grâce à lui, il est aisé de retranscrire une conversation en un écrit. L’intérêt est de pouvoir ainsi garder une trace de l’échange. Compte rendu d’entretien annuel ou d’entretien de recrutement, de réunion … les utilisations sont variées. Cet outil permet de gagner du temps non seulement en évitant de retranscrire soi-même les conversations mais également en faisant des recherches par mots clés pour retrouver les passages auxquels on souhaite accéder.

Entretien virtuel et détection des émotions

Avec la pandémie et les restrictions de circulation, les entretiens virtuels ont le vent en poupe. Une entreprise peut organiser une présentation en ligne, avec un robot caméra, destinée à plusieurs candidats ou encore un entretien individuel. L’intérêt est de pourvoir, grâce à l’IA, détecter et comprendre les micro-émotions, les décrypter, voir les réactions du ou des participants. Baille-t-il quand on parle d’un sujet ? Ses yeux trahissent-ils un malaise quand on évoque son expérience ? Ses micro-expressions traduisent-elles de l’entrain pour une mission ou un désintérêt ? Autant d’informations importantes qu’un robot caméra peut détecter facilement.

De l’importance d’une IA explicable

Si l’IA présente de nombreux bénéfices en matière de RH et notamment dans le domaine du recrutement, il faut être vigilants. En effet, elle peut vite conduire à privilégier une certaine catégorie de candidat et en exclure d’autres qui, par exemple, ne sont pas diplômés de telle ou telle université … D’où l’importance de l’explicabilité de l’IA qui permettra de comprendre pourquoi telle personne a été écartée de tel poste afin de pouvoir agir sur les algorithmes.

Acculturer et former pour faciliter l’adoption de l’IA

Pour dépasser les biais, il faut bien connaître les outils ; savoir comment la technologie fonctionne permet de comprendre ces éventuels biais pour les corriger. Or, les outils deviennent vite obsolètes, et les entreprises qui sont compétitives sont celles qui ont compris l’importance d’assurer un suivi de ces évolutions. Si cette veille constante ne peut être mise en œuvre en interne, il ne faut pas hésiter à faire appel à des experts extérieurs. Imaginez qu’une entreprise puisse se doter des meilleurs outils de recrutement au fur et à mesure de leur apparition sur le marché, elle pourra détecter et embaucher les meilleurs talents avant ses concurrents.

Mais si cette veille technologique est primordiale, elle doit être accompagnée par une volonté d’acculturation et de formation à l’IA. Accompagner et former les salariés doit être une philosophie pour l’entreprise, elle doit être régulière, continue. Il s’agit d’amener les collaborateurs à être curieux, à avoir envie de se former. Il y a un important travail pédagogique à faire en leur démontrant que la technologie est une aide et non une concurrente. Ces formations doivent les aider à se projeter vers un avenir meilleur grâce à la technologie, elles doivent les faire rêver. La technologie ne peut rien si l’homme ne se l’est pas approprié, et c’est là tout l’enjeu de la formation.

Retour d’expérience

Parmi les solutions sur lesquelles je travaille et je forme, il y en a une qui est particulièrement appréciée. Il s’agit de la fouille de données pour le sourcing et la compréhension des émotions (estimée) à travers la voix, l’image, ainsi que la synthèse de documents lourds (Thèse, collecte de CV…).

De nombreux modèles d’IA aujourd’hui proposent une compréhension de plus en plus fine pour déceler la « pépite » qui se cacherait au fond d’un tas de document. Une fois formé, il est rapide de pouvoir mettre en place un chatbot pour échanger avec de nombreux candidats simultanément. A au-delà d’un simple questionnaire interactif, le chatbot peut “rebondir” sur un mot clef, une phrase clef présentée par un candidat afin de rediriger le candidat vers le questionnaire ou interlocuteur physique le plus adapté. Je remarque également que la réalité virtuelle, et son regain d’intérêt avec le métavers) et les thèmes autour des nouvelles technologies et la psychologie intéressent de plus en plus la fonction RH tel que l’IoB (Internet of Behaviors), qui en plus de “comprendre” un comportement cherche à l’influencer.

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