[Interview] Chadia Ben Ameur « l’acculturation nécessaire au développement de l’IA passe par l’inclusion numérique »
Suite de nos interviews liées à notre étude menée sur l’impact de l’intelligence artificielle sur la fonction RH. Chadia Ben Ameur, experte indemnisation – relation client pour l’assureur Générali, nous apporte sa vision.
Je suis convaincue que l’acculturation nécessaire au développement de l’IA passe par l’inclusion numérique, c’est pourquoi je m’engage au quotidien auprès de la room @PPC (collectif qui œuvre en faveur de l’inclusion numérique) pour agir.
1 – L’IA s’impose peu à peu dans tous les secteurs d’activité, dans votre entreprise, parmi vos clients et partenaires ressentez-vous une accélération du développement de l’IA ou plutôt une certaine frilosité ? Dans quels domaines le développement de l’IA vous semble-t-il le plus avancé (marketing, retail, RH, relation client, finance… ?
Le déploiement de l’IA s’inscrit aujourd’hui dans toutes les stratégies d’entreprise. Elle se manifeste dans:
- les solutions apportées au client. Elle est guidée par le besoin d’immédiateté,
- la condition de transparence gage de confiance dans la relation client,
- le développement des outils accessible aux salariés afin de simplifier leur mode de travail.
D’une manière générale, je dirai que le développement de l’IA s’accélère lorsqu’en amont, une réflexion est menée, afin de repenser l’approche métier nécessaire à une prise de conscience de l’ensemble des parties prenantes, pour trouver un équilibre entre l’efficacité et la performance attendues dans l’utilisation de ces nouveaux outils (implémentation). Pour se faire, il faut que tous les utilisateurs aient, à peu de chose près, le même niveau d’acculturation en la matière.
Je suis convaincue que l’acculturation nécessaire au développement de l’IA passe par l’inclusion numérique, c’est pourquoi je m’engage au quotidien auprès de la room @PPC (collectif qui œuvre en faveur de l’inclusion numérique) pour agir.
L’illéctronisme touche 23% de la population en France selon une étude menée par le CSA en 2019. Le développement de l’IA passe aussi par une véritable stratégie d’entreprise dont l’objectif est de lever les freins à la transformation (schémas mentaux).
Pour trouver les domaines les plus avancés en matière d’IA, il faut suivre 2 chemins :
- celui des données et de leur utilisation,
- celui de l’innovation.
D’après l’infographie publié par « Prismes » qui fait état de plusieurs enquêtes menées sur le sujet, il apparaît que le secteur le plus impacté par l’IA est en premier la santé, le marketing, la gestion des données, la finance et enfin, la mobilité.
Ces secteurs ont tous brillé par des projets innovants.
Cette réflexion fait émerger deux certitude :
- le parcours utilisateur dans la solution proposée doit être intuitif,
- les process d’utilisation de la solution ne doivent pas être marqués de freins.
C’est ainsi que l’IA devient une avancée technologique qui complètera la volonté de humain.
Afin de conserver son emploi, le salarié va devoir s’adapter et faire preuve de curiosité et d’envie pour comprendre ce qu’implique ces évolutions. Un accompagnement managérial par le coaching et des programmes de formations spécifiques devront être dispensées (sur l’aspect technique),
2 – Dans notre étude, 91 % des DRH estiment que l’IA va nécessiter une montée en compétences des collaborateurs. Partagez-vous cette opinion ? On entend souvent dire que l’IA va supprimer des emplois : pensez-vous que les formations sont un des outils qui vont permettre aux salariés de conserver leur emploi même si ce dernier doit évoluer ? Pensez-vous à d’autres outils que les formations (recrutement plus pointu, mobilité entre services…) ?
La montée en compétence des collaborateurs est primordiale, car l’IA appelle à de nouvelles compétences. Il faut, pour autant, que les organisations aient la capacité de se projeter pour en déterminer les spécificités.
Ce qui se joue à l’heure actuelle sur le marché du travail c’est : le rapport au métier ou comment se réapproprier nos métiers dans un nouveau contexte (réglementaire, concurrentiel, opérationnel…). C’est une certitude, certains métiers vont disparaître avec l’arrivée de nouvelles solutions qui permettront aux entreprises de trouver un équilibre entre performance et efficacité.
Afin de conserver son emploi, le salarié va devoir s’adapter et faire preuve de curiosité et d’envie pour comprendre ce qu’implique ces évolutions. Un accompagnement managérial par le coaching et des programmes de formations spécifiques devront être dispensées (sur l’aspect technique),
La culture d’entreprise doit aussi évoluer car les modèles d’organisation du travail d’hier, sont un frein à l’évolution dans un contexte où la maitrise du temps est primordiale (adaptabilité, flexibilité…).
Concrètement, dans la branche assurance, domaine dans lequel j’exerce mon métier, l’observatoire des métiers de l’assurance prédit que les salariés employés dans la relation client devront s’adapter aux besoins de technicité dans la réalisation d’acte de gestion car la proposition de valeur change.
En effet les call centers commencent aujourd’hui à être standardisés par des solutions qui font appel à l’IA : chabots, RPA…
Le salarié en contact direct avec le client devra être en capacité de situer à quelle niveau la valeur ajouté de ses compétences devra émerger dans un parcours digitalisé.
Les outils RH, grâce aux données recensés des salariés apporteront précision et rapidité en termes de recrutement, d’évolution et évaluation des compétences… Dans les métiers RH, ces nouveaux outils apporteront des indicateurs favorisant l’égalité, l’inclusion et la mixité, à condition, que ces solutions ne soient pas biaisés par un codage erroné à la conception.
Aujourd’hui, dans un contexte où il est demandé à l’ensemble des salariés de s’adapter, d’avoir un esprit collaboratif et d’être flexible, la relation entre DRH et salarié ne doit pas se limiter à un cadre individuel car, les injonctions individuels ne mobilisent plus les salariés.
3 – 83 % des DRH déclarent qu’ils seront garants de l’éthique pour la mise en œuvre de l’IA et 81 % plus vigilants quant aux conditions de travail et bien-être des salariés. A votre avis la robotisation, l’automatisation des tâches … sont-elles plutôt bénéfiques ou négatives pour les salariés ?
Le DRH est le garant de l’éthique lorsqu’il veille au respect de l’application des règles (règlement intérieur, accord, droit du travail). Le bien-être des salariés est quant à lui de la responsabilité de toute l’entreprise (organisation, management, relation au travail, environnement…). Il faut reconnaitre que le DRH est souvent éloigné des contraintes réelles rencontrées par le salarié dans l’entreprise.
Pourquoi ? Parce que, quoi qu’on en dise, le DRH fait peur.
Il est souvent synonymes de sanctions et on lui prête très souvent un manque d’objectivité ou une volonté de cooptation avec la direction ou l’organisation managériale. Les chiffres communiqués démontrent une volonté des DRH de rompre avec ce cliché.
Aujourd’hui, dans un contexte où il est demandé à l’ensemble des salariés de s’adapter, d’avoir un esprit collaboratif et d’être flexible, la relation entre DRH et salarié ne doit pas se limiter à un cadre individuel car, les injonctions individuels ne mobilisent plus les salariés.
Le dialogue social garantit l’horizontalité des échanges dans l’intérêt collectif. Pour amener de l’éthique dans le rôle du DRH et du bien-être grâce aux conditions de travail efficientes, il faut un vrai climat d’écoute dans l’entreprise..
Les entreprises négligent trop souvent deux leviers d’amélioration d’expérience collaborateurs :
- le premier levier est le dialogue social introduit par les ordonnances « MACRON » avec la création d’une nouvelle instance le CSE.
Cette organe est un vrai atout dans la performance de l’entreprise et pour le bien être des salariés, seulement, si :
- d’une part, l’entreprise a réellement la volonté d’être à l’écoute de ses salariés en consultant ses représentants pour coordonner les phases d’évolution de l’entreprise,
- d’autre part, les élus syndicaux jouent un vrai rôle en installant les jalons d’un dialogue constructif (confiance, crédibilité, efficacité…),
Le dialogue social garantit l’horizontalité des échanges dans l’intérêt collectif. Pour amener de l’éthique dans le rôle du DRH et du bien-être grâce aux conditions de travail efficientes, il faut un vrai climat d’écoute dans l’entreprise..
Pour que l’expérience soit bien vécue par le salarié, il est donc nécessaire de sensibiliser l’ensemble des salarié et de les impliquer dans la mise en place de nouveaux outils.
2. le second levier est le « feedback » collaborateurs
Il est essentiel de sonder ses salariés régulièrement pour ajuster, préparer et faire comprendre les choix de l’entreprise dans ses orientations stratégiques. Cette condition est nécessaire afin de maîtriser le risque de désengagement des salariés. La robotisation et l’automatisation des tâches est en soit un bénéfice pour les salariés. Mais il devient une expérience négative lorsque le salarié n’est pas préparé aux nouveaux s de travail qu’apportent ces changements.
Notamment la robotisation et l’automatisation des tâches sont souvent observées par le salarié comme une dépossession du sens de leur travail. Dans la mise en place des outils, la phase d’iteration et d’implémentation sont essentielles à la bonne compréhension et au bon usage de l’outil. Pour que l’expérience soit bien vécue par le salarié, il est donc nécessaire de sensibiliser l’ensemble des salarié et de les impliquer dans la mise en place de nouveaux outils.
L’automatisation des tâches doit amener des nouveaux modèles d’organisation et de nouveaux processus. Pour que cette évolution ait un sens, elle doit être pensée à chaque niveau de l’entreprise avec de la cohérence (la culture d’entreprise, l’image de marque, ses engagements…).
5 – 77 % des DRH estiment que l’IA va redonner du sens au travail. Grâce à l’automatisation, les tâches répétitives seront diminuées voire supprimées. Partagez-vous cette opinion ? La question du « sens au travail » est récurrente, pensez-vous que l’IA pourra redonner du sens au travail et quels seraient les autres pistes de réflexion (plus d’autonomie pour les salariés, plus de responsabilisation, plus d’explication de la finalité des tâches, un meilleur salaire … ?)
Oui je suis d’accord, l’IA doit redonner du sens au travail et cela passe par la façon de recentrer nos missions vers l’essentiel de notre métier. Le sens au travail est donné par plusieurs facteurs comme la vision stratégique, notre rapport au travail, la culture d’entreprise, l’image de la marque, son branding…
L’automatisation des tâches doit amener des nouveaux modèles d’organisation et de nouveaux processus. Pour que cette évolution ait un sens, elle doit être pensée à chaque niveau de l’entreprise avec de la cohérence (la culture d’entreprise, l’image de marque, ses engagements…).
L’IA redonnera incontestablement du sens au travail uniquement si les réflexions induites amènent de la cohérence et un équilibre dans l’approche du métier. Dans des études récentes, on observe que le sens au travail est décoléré de la rémunération. Mais la reconnaissance, que l’on rapproche de la rémunération, amène la question du sens chez les salariés.
Le sens au travail c’est aussi lorsque les missions réalisées sont en cohérence avec la personnalité et les principes des salariés. C’est pourquoi, accorder de l’autonomie et un certain degré de responsabilisation est une question de sens au travail. La question du sens au travail est avant tout personnel et propre à chaque salarié. Elle traduit ses attentes, ses aspirations et détermine son degré d’engagement (adhésion).