Expérience collaborateur : « C’est un vrai sujet d’échange entre DSI et DRH, pour assurer la meilleure intégration possible sans hypothéquer la sécurité »
Déploiement de l’IA dans les outils de la DRH, quels sont les principaux défis que les DRH doivent relever aujourd’hui ? Jean-Denis Garo, Head of Marketing chez Golem.ai, nous apporte sa vision.
Dans les entreprises avec lesquelles vous travaillez, avez-vous pu observer un déploiement de l’IA dans les outils de la DRH ? Si oui lesquels ?
Les cas d’usages de l’IA dans l’automatisation du traitement des documents ou des messages (e-mails, messages instantanés, SMS…) se multiplient. Le secteur RH est aussi impacté. Comme beaucoup d’autres départements dans l’entreprise, les RH sont soumis à un flux important et croissant d’informations. Les cas d’usages sont divers : labellisation d’intentions des messages entrants pour réponse automatique, préparation de réponses pré rédigées, onboarding (Know Your Employee (KYE)) et lecture/analyse de pièce jointe de type carte d’identité, diplôme etc., analyse massive de fiches de postes…
A votre avis, quels sont les principaux défis que les DRH doivent relever aujourd’hui ?
Les défis sont nombreux, en particulier dans une période qui redéfinit les règles d’un travail hybride entre présentiel et télétravail.
Les frontières entre les différents outils qui composent l’environnement de travail numérique des DRH et des salariés en général, sont de plus en plus perméables, et proviennent tant de la sphère privée que professionnelle. A l’heure où l’expérience collaborateur devient primordiale, c’est un vrai sujet d’échange entre DSI et DRH, pour assurer la meilleure intégration possible sans hypothéquer la sécurité.
Pour les aider dans ces défis, pensez-vous que l’IA serait utile et quelles solutions d’IA leur conseilleriez-vous ?
L’IA sera utile, mais pas à n’importe quelles conditions. Une solution rapidement actionnable va, par exemple, permettre de traiter les flux entrants.
Les messages sont ainsi labellisés quelque soit la langue, des intentions détectées pour router la demande au bon interlocuteur, à qui seront proposées des réponses types en fonction des demandes identifiées. D’autres usages sont possibles.
Prenons le cas de deux entreprises qui fusionnent. La DRH qui souhaitera définir et utiliser une nomenclature unique de fiche de poste, devra revisiter des milliers de fiches de postes et réconcilier un certain nombre d’informations très précises. L’objectif est bien de standardiser les fiches dans la nouvelle entreprise, afin de définir l’égalité des conditions d’accès à un certain poste. Les données récoltées vont ainsi nourrir les nouvelles fiches de poste, par exemple : les intitulés de postes, les missions, les compétences ou les années d’expérience dans un certain domaine. L’intelligence artificielle va permettre de trier les fiches, de les analyser, et d’en extraire les informations recherchées correspondant à un poste défini ou à une nouvelle nomenclature. L’IA, en automatisant ce processus long et fastidieux, va rendre l’information exploitable rapidement.
L’IA, même si elle entre dans une phase d’industrialisation, mérite encore et encore de la pédagogie et une acculturation des équipes à ses usages et ses nombreux bénéfices.
A votre avis, est-ce le rôle des DRH de veiller à ce que le déploiement de l’IA n’ait pas d’impact négatif sur les salariés ou est-ce plutôt une responsabilité de chaque chef de service ? Y-a-t-il des points sur lesquels les DRH devraient être particulièrement attentifs ?
Le département RH est, par nature, amené à gérer un grand nombre d’informations, sensibles, confidentielles et personnelles. Le principal enjeu, lié au déploiement de l’IA sera donc de garantir aux salariés, comme aux candidats, la protection de leurs données personnelles. Par ailleurs, dans la mission précise du recrutement, la RH doit être en capacité de garantir que les solutions d’intelligences artificielles utilisées seront explicables. Trop souvent ces dernières années le recrutement, au travers de l’automatisation, a été confronté à des biais* de discrimination. Si les discriminations algorithmiques sont le plus souvent systémiques et non-intentionnelles, l’effet “boîte noire” et, de fait, l’absence de transparence favorisent la propagation et la multiplication de ces biais.
L’explicabilité* c’est offrir la capacité à comprendre pourquoi et comment les algorithmes aboutissent à une décision.
le RGPD** est très clair sur ce sujet, l’article 22 stipule ainsi que “La personne concernée a le droit de ne pas faire l’objet d’une décision fondée exclusivement sur un traitement automatisé, y compris le profilage, produisant des effets juridiques la concernant ou l’affectant de manière significative de façon similaire.”
L’objectif est bien d’éviter l’effet ”boîte noire » ; ce qui plaide en faveur d’une IA explicable qui assurera la transparence, la lisibilité et l’intelligibilité des processus de décisions.
Selon vous quels pourraient être les freins au déploiement de l’IA ? et pensez-vous qu’un accompagnement des salariés à l’adoption de l’IA est indispensable ?
Les coûts de développement sont souvent pointés du doigt.
Il apparaissent en premier, mais en net recul, dans l’étude Axys Consultants (45% en 2021 versus 73% en 2019) et également dans l’étude 2021 Golem.ai : c’est le premier frein mentionné par les CDO (52%) et les CIO (46%). Une confirmation de la difficulté des éditeurs d’IA à apporter une preuve du succès de ces solutions par un ROI tangible. Un ROI qui est pourtant bien réel.
L’IA, même si elle entre dans une phase d’industrialisation, mérite encore et encore de la pédagogie et une acculturation des équipes à ses usages et ses nombreux bénéfices.
Sources :
*Intelligence artificielle et explicabilité. https://golem.ai/fr/blog/entreprise/ia-ethique-explicable/
**IA : savoir expliquer les biais. Digital CMO. 29 Juin 2021. https://www.digitalcmo.fr/ia-savoir-expliquer-les-biais/
***https://www.gdpr-expert.eu/article.html?id=22#textesofficiels
Head of Marketing chez Golem.ai, Jean-Denis Garo est titulaire d’un DEA Science et Technologie du CSTS.
Il a effectué sa carrière dans la tech., Matra Communication, Adept-Discofone, Nortel Networks, EADS Telecom, Aastra et Mitel.
Président du CMIT (club des marketeurs in tech) de 2019 à 2021, Jean-Denis Garo est contributeur de plusieurs ouvrages spécialisés et auteur de nombreuses tribunes sur le sujet de l’intelligence artificielle.