[Interview] Maya Henni « il faut que la DG soutienne les projets liés à l’IA »
Suite de nos interviews liées à notre étude menée sur l’impact de l’intelligence artificielle sur la fonction RH. Maya HENNI, Directrice Conseil du cabinet de Conseil en Ressources Humaines, Exolys RH, nous apporte sa vision.
par rapport à nos cibles, aux spécificités de certains profils, à des création de postes nouveaux avec des compétences et soft skills particulières, rien ne remplace l’humain !
1 – De par votre expérience et les entreprises que vous rencontrez/dans lesquelles vous intervenez, combien en pourcentage ont déjà déployé l’IA? Estimez-vous que ce déploiement est timide ou assistez-vous à un réel engouement pour l’IA ?
Déploiement timide coté RH je trouve…
Avez-vous quelques exemples à donner (si vous ne souhaitez pas donner le nom de l’entreprise, indiquez le secteur d’activité)
Mes clients sont pour l’essentiel dans le secteur du retail. Quelques tests sont menés en magasin ou par le marketing client dans le cadre des programmes de fidélité.
Pour les RH, quelques tests (ex: Une entreprise de grande distribution parisienne collabore avec Assessfirst qui aurait définit avec eux un algorithme spécifique pour leurs recrutements de masse type vendeurs-CDD fêtes de fin d’année…) J’imagine que pour la gestion administrative/congés/paye certains l’ont fait mais je ne suis pas au courant de ces sujets
2 – Dans l’étude on a vu que :
- 86 % des DRH plébiscitaient l’IA pour automatiser la gestion administrative (paye, congés …)
- 78 % : permettre aux salariés de gérer leurs congés, carrière, formation… et donner un feed-back sur l’entreprise grâce à un assistant personnel
- 77 % : améliorer le matching entre les candidats et les postes à pourvoir
Si vous ne deviez choisir qu’une seule fonction à l’IA, laquelle serait-elle (automatisation, recrutement … ?) et pourquoi ?
Automatisation des tâches administratives sans valeur ajoutée (pour le recrutement, quand il faut valider le savoir être et étudier les profils atypiques, l’humain reste central. Peut-être qu’une banque qui recrute massivement des profils en agence ou commerciaux pourraient plus facilement que nous utiliser l’IA à bon escient; Mais nous, par rapport à nos cibles, aux spécificités de certains profils, à des création de postes nouveaux avec des compétences et soft skills particulières, rien ne remplace l’humain !
dans le recrutement, l’IA peut servir la présélection de certains profils récurrents aux compétences bien identifiés
3 – 83 % des DRH déclarent qu’ils seront garants de l’éthique pour la mise en œuvre de l’IA et 81 % plus vigilants quant aux conditions de travail et bien-être des salariés. Pensez-vous que l’IA puisse impacter les conditions de travail ? Si oui cela sera-t-il bénéfique ou négatif et comment envisagez-vous le rôle que pourrait jouer le DRH (vigilance accrue, mise en place de garde-fous… )?
Tout dépend de comment le DRH peut s’en emparer… Par exemple, dans le recrutement, l’IA peut servir la présélection de certains profils récurrents aux compétences bien identifiés. Ça permettra de gagner du temps avec des algorithmes de matching. Le DRH peut se recentrer sur ses missions premières et déléguer à l’automatisation et l’IA toutes les tâches chronophage, rébarbatives, administratives sans valeur ajoutée. Dans des métiers en mouvement, on a besoin des compétences des RH sur d’autres sujets (transférabilité des compétences, formations, reconversions, mobilités etc…).
Il faut donner beaucoup de sens et passer du temps avec les collaborateurs…
4 – 91 % des DRH estiment que l’IA va nécessiter une montée en compétences des collaborateurs. Etes-vous d’accord avec eux et comment envisagez-vous de les accompagner ? Recrutement de collaborateurs plus qualifiés, plan de formation, mobilité sur des postes plus accessibles/moins complexes … ?
Oui beaucoup de collaborateurs ont une crainte de l’IA, ont besoin d’être rassurés et formés, accompagnés (pas juste qu’on leur impose un outil qu’ils ne s’approprieront pas) .
Il faut donner beaucoup de sens et passer du temps avec les collaborateurs…
L’intelligence artificielle peut être une alliée dans cette mission de quête de sens
5 – 77 % des DRH estiment que l’IA va redonner du sens au travail. Grâce à l’automatisation, les tâches répétitives seront diminuées voire supprimées. Partagez-vous cette opinion ? Avez-vous constaté une perte de sens au travail de la part des collaborateurs et quel serait la façon d’y remédier ? L’IA pourra-t-elle être une alliée dans cette mission et comment ?
Oui ! L’intelligence artificielle peut être une alliée dans cette mission de quête de sens : en redonnant du temps pour d’autres taches -missions-projets, avec des missions à plus forte valeur ajoutée. Aussi faut-il communiquer, expliquer, former, accompagner les collaborateurs qui d’office peuvent avoir une réaction de rejet.
6 – A votre avis quels pourraient être les freins au déploiement de l’IA en entreprise ? (manque de formation, de budget, de pédagogie, de soutien de la DG …)
Le coût en tout premier lieu et la crainte d’un investissement « pour rien » que les collaborateurs n’utilisent pas/ne s’approprient pas.
Le manque de soutien de la DG : on le fait parce qu’on n’a pas le choix, il faut le faire , sans que la DG se l’approprie, montre l’exemple, porte le sujet….(en mode « faites ce que je dis, pas ce que je fais »).
il faut que la DG soutienne les projets liés à l’IA et communique auprès des collaborateurs pour les rassurer et qu’ils s’approprient les outils et méthodes.
7 – Quelles sont vos craintes et vos espoirs/attentes suite au déploiement de l’IA en entreprise
J’aimerai que l’IA nous aide dans notre travail au quotidien et puisse nous libérer du temps pour faire autre chose
Il y a un temps d’apprentissage et un coût certain. Pour que ce temps de formation et pédagogie et les coûts d’investissement soient bénéfiques, il faut que la DG soutienne les projets liés à l’IA et communique auprès des collaborateurs pour les rassurer et qu’ils s’approprient les outils et méthodes.
Mais beaucoup de DG font parce qu’il faut faire malheureusement… c’est bien dommage car ils n’embarquent pas leurs collaborateurs, leurs managers dans ces projets d’envergure qui transforment nos habitudes de travail durablement…