Pilotage de la masse salariale : la collaboration entre les directions RH et finance est cruciale
Pilotage de la masse salariale : la collaboration entre les directions RH et finance est cruciale
Face aux tensions économiques et à l’évolution des métiers et compétences, le pilotage de la masse salariale s’impose comme une priorité pour l’entreprise. Instaurer une relation partenariale entre les RH et la finance est à ce titre déterminant.
Les tensions économiques actuelles (inflation des prix de l’énergie, hausse des taux d’intérêt…) impactent la trésorerie des entreprises et renforcent l’exigence de pilotage de la masse salariale qui représente parfois jusqu’à 70 % des coûts d’une organisation.
Ce défi est loin d’être simple pour les entreprises. Les salaires partent à la hausse dans certains secteurs sans pouvoir toujours être compensés par des hausses de tarifs. Le marché de l’emploi se tend et les ressources les plus qualifiées se raréfient.
C’est d’autant moins simple que la gestion de la masse salariale est un sujet protéiforme. Il faut tout à la fois travailler à la maîtrise économique des coûts salariaux, savoir adapter de façon agile ses effectifs aux fluctuations opérationnelles, dégager des leviers de productivité pour mieux amortir les coûts de production et de distribution, parmi lesquels les coûts salariaux qui sont parfois très largement fixes ou du moins non ajustables instantanément. Il faut bâtir également une politique RSE à la hauteur des défis contemporains que posent les enjeux de parité, d’inclusion, de vieillissement des ressources (effet Noria).
Une collaboration étroite entre RH et finance dès la planification budgétaire
Après la phase de planification de l’activité par les opérationnels (par exemple dans le cadre d’un processus de S&Op – Sales and Operations – ou de revue du plan de charges dans les activités de service), à laquelle la finance doit être associée, vient entre autres la planification des effectifs, dont l’enjeu est de disposer d’une capacité à bien évaluer quantitativement et qualitativement les ressources nécessaires pour répondre à l’activité.
Dans cette phase, les directions RH et finance doivent travailler en étroite collaboration car différents scénarios devront être étudiés en boucles courtes. À titre d’illustration, la direction RH va appuyer la direction finance pour estimer les besoins prévisionnels de ressources en fonction des effectifs présents, du turnover, de l’évolution des compétences et poser différents scénarios (recrutement, ajustement de l’organisation, recours ponctuel à la sous-traitance…).
Sans oublier les besoins en formation et leur financement dans un contexte de gestion exacerbée des compétences, sous l’effet d’un marché de l’emploi sous tension et des transitions (numériques, environnementales) en cours au sein des entreprises.
La phase suivante de modélisation financière accentue encore la collaboration nécessaire à travers la fourniture d’indicateurs de chiffrage de coûts fournis par les RH – par exemple les hypothèses d’augmentations salariales qui seront négociées dans le cadre des négociations annuelles obligatoires (NAO), les hypothèses et stratégies de primes variables, etc.
– mais aussi à travers la fixation par la finance d’objectifs d’engagement des ressources et de productivité.
Par son expérience de la simulation financière, la finance doit pouvoir éclairer l’impact des différents scénarios d’évolution des effectifs et de leurs coûts, construits avec les RH.
L’intégration de la RSE dans la gestion de la masse salariale : une nouvelle frontière
Le volet RSE adossé à la gestion de la masse salariale est aussi un vecteur fort de collaboration entre les directions finance et RH. La réglementation européenne « Corporate Sustainability Reporting Directive » va dès 2025 imposer aux entreprises des standards sociaux plus stricts dans le cadre du reporting RSE de l’entreprise (données liées aux effectifs, rémunérations, gestion des compétences, conditions de travail, diversité et inclusion…).
Cette obligation de reporting va bien au-delà du traditionnel reporting « bilan social », en introduisant une dimension beaucoup plus qualitative. La finance a vocation à être de plus en plus au centre de l’animation de la production du reporting RSE de l’entreprise. La fonction RH devra quant à elle réaffirmer son rôle de « propriétaire » de la donnée RH pour fiabiliser le reporting et être « acteur » de la définition des plans d’action sur le volet social.
Plus encore qu’aujourd’hui, les directions finance et RH devront travailler de concert, en tant que partenaires, pour mettre en place un pilotage extra-financier des effectifs et accompagner cette transition profonde de l’entreprise vers des modèles plus soucieux des collaborateurs et de leurs équilibres.
Un des facteurs de succès est de partager un modèle de données commun entre la finance et les RH. Ce modèle de données doit intégrer une vision précise des caractéristiques des ressources internes. Pouvoir segmenter par exemple les effectifs par tranche d’âge, par genre, séniorité dans l’entreprise, constitue des entrants à la détermination d’une politique RSE (diversité, inclusion, parité…) et plus largement participe d’une gestion prospective de la masse salariale.
En conclusion, que ce soit dans leurs rôles actuels ou à moyen terme dans un rôle étendu autour de la RSE, finance et RH doivent adopter des approches collaboratives pour sécuriser la gestion de la masse salariale sous tous ses aspects (économique, opérationnel, social) et dans tous les défis que cela représente pour l’entreprise d’aujourd’hui et de demain.
Fazil Boucherit,
Directeur BU Finance
Véronique Fidel-Levy
Senior manager BU Finance