Vendre des véhicules d’occasion en Full Digital, une réalité aujourd’hui !

L’innovation portée par des start-up sur la distribution de véhicules d’occasion va-t-elle s’imposer sur le marché français ?

Ce vent d’innovation vient, comme souvent, des anglo-saxons dont l’évolution des habitudes de consommation est en avance sur le reste du monde. Ces innovations, sont portées par quelques acteurs, comme CARVANA aux États-Unis, CAZOO au Royaume-Uni et le Groupe AUTO1 en Allemagne.

Non seulement, CARVANA révolutionne la vente de véhicules d’occasion en proposant exclusivement la vente full-digital, mais en plus confirme la viabilité du modèle, clôturant après 8 années d’existence un premier exercice bénéficiaire. CARVANA dégage, sur 2023, un bénéfice net de 150 millions de dollars pour 300 000 châssis vendus et un CA de près de 10 milliards de dollars. Ce résultat conforte le modèle full-digital.

En France, à l’exception d’AUTOSPHERE du Groupe Émile Frey, les acteurs de la distribution automobile peinent encore à proposer des parcours full-digital. Nous identifions plusieurs facteurs à ce retard :

  • La maturité digitale des concessionnaires : Aujourd’hui, les concessionnaires ont tous développé des sites web sans, pour autant, avoir eu la volonté de transformer leur modèle. Ces sites, souvent développés sur un modèle unique que l’on retrouve partout, ne sont en fait que de simples vitrines digitales des stocks de véhicules disponibles à la vente de chacune des concessions d’un distributeur. Le parcours client ne permet pas la vente full-digital s’arrêtant trop souvent, une fois un véhicule identifié par l’acheteur, à la mise en contact physique avec un vendeur de la concession dont le véhicule est rattaché. De plus, l’expérience client proposée reste très éloignée des meilleures pratiques que l’on retrouve chez des acteurs comme CARVANA. Ce dernier pousse l’interaction avec l’acheteur bien au-delà de son temps de présence sur le site pour lui proposer, des jours durant, des offres de véhicules par email répondant à ses critères.
  • La gestion éclatée des stocks : Sous la responsabilité de chaque concession, la gestion des stocks pose deux problèmes :  le manque de consistance de l’offre proposée, car éclatée, ne profitant ni de l’effet volume, ni de diversité d’une mise en commun des stocks. La présentation des véhicules, pourtant cruciale à la vente digitale, est encore très hétérogène et trop souvent insuffisamment détaillée, ne favorisant pas la vente digitale et encore moins la réassurance de l’acheteur sur l’état du véhicule.
  • L’autonomie des concessions : Au sein d’un distributeur, chaque concession est souvent une entité fortement autonome (juridique et opérationnel) ce qui constitue un frein majeur. La présentation des stocks VO est hétérogène et les règles de partage de la valeur entre les concessions absentes. Si le premier point n’est pas insurmontable, le second est plus complexe et constitue un véritable sujet de transformation nécessitant une volonté au niveau le plus haut pour repenser les principes de gouvernance de l’entreprise.
  • Les habitudes d’achats des clients : Pour les faire évoluer, il convient de mettre en place des parcours d’usage capables de lever les principaux freins pour rassurer l’acheteur sur l’état réel du véhicule ainsi que son niveau d’entretien par le(s) propriétaire(s) précédent(s). Il est aussi indispensable de proposer une expérience client fluide ou l’acheteur se sentira en confiance tout au long du parcours.

Transformer l’entreprise vers un modèle full-digital présente des avantages multiples qui doivent inciter les distributeurs à franchir le pas :

  • Amélioration de la rentabilité par la réduction du coût de distribution grâce à l’apport du digital
  • Offre à l’achat plus consistante et plus attractive par la mise en place d’un catalogue unifié au niveau national et par la cohérence de présentation des véhicules
  • Amélioration du taux de conversion en levant les principaux freins à la vente. Les caractéristiques (état, niveau d’entretien) du véhicule proposé sont claires et sans ambiguïté par l’apport de visuels standardisés et de descriptifs précis. Des services additionnels :  livraison personnalisée, de retour possible sous 2 semaines en cas de rétractation, garantie du véhicule, financement personnalisé, souscription d’une assurance.  Rassurer le client et lui offrir une expérience client simplifiée dans son processus d’achat tout en dégageant des sources de revenus complémentaires pour le distributeur grâce aux partenariats
  • Développement de l’image d’entreprise comme un acteur innovant de la distribution automobile permettra de prendre avantage sur la concurrence

Cette transformation du modèle de distribution des VO full-digital, que nous considérons comme inéluctable, n’est pas tant technologique qu’organisationnelle. Techniquement, toutes les solutions existent et ont déjà été mises en place sur d’autres marchés. En revanche, le véritable enjeu de cette transformation, pour les distributeurs, consistera à aligner leur organisation avec ce modèle, condition préalable à sa réussite.

Rémy HARACHE

Julien SAMARCQ